Journée internationale des Droits des Femmes : Portraits de Femmes d’Outre-mer (2/2)
À l’occasion de la Journée internationale des Droits des Femmes, Outremers360 publie aujourd’hui des portraits de femmes interviewées dans le numéro spécial femmes d’Itinéraires d’outre-mer, « Des îles et des Elles », le magazine de SUEZ en outre-mer.
Après Louise Peltzer, Nathalie Infante et Coralie Lancry, découvrez aujourd’hui les portraits de Valentine Bonifacie, qui a lancé le réseau des « Pionnières de Guyane », de la Mahoraise Anissa Aboudou, directrice de l’Environnement et de la Biodiversité, d’Annaïg Le Guen qui dirige le CRIOBE de Polynésie et de Claudy Lombion et sa start-up Tri a Kaz en Guadeloupe.
Guyane : Valentine Bonifacie, une vie d’engagement
A découvrir son parcours atypique, on se dit que cette femme étonnante a de la suite dans les idées. Et des idées, elle n’en manque pas ! Rencontre avec une hyper active, distinguée chevalier de l’ordre national du Mérite.
Signe distinctif : a du caractère. A 16 ans, l’adolescente obtient l’émancipation du président de la République pour se marier. Le décès tragique de son père et d’un de ses frères dans un accident confronte brutalement l’aînée d’une famille nombreuse à d’autres responsabilités. Malgré son jeune âge, elle part chercher du travail à Paris pour aider sa mère, son modèle. La tête bien faite, Valentine se forme. Elle apprend la mécanographie et parfait ses compétences en informatique et électronique au CNAM. A 22 ans, ce bagage lui permet de saisir l’opportunité d’intégrer le Centre Spatial Guyanais (CSG) comme secrétaire-mécano.
Retour au pays. Ambitieuse, la jeune femme a le goût d’apprendre chevillé à l’âme. Devenue analyste programmeur grâce aux cours du soir, elle apprend qu’un poste opérationnel se libère au service localisation de Thomson, un partenaire stratégique du CSG. Elle le veut. Première femme à intégrer ce service en qualité de responsable « synchro », elle s’épanouit à ce poste, sans cesser de monter en compétences.
Pour et avec les femmes
« J’aime donner et partager », explique celle qui trouve dans le monde associatif un terrain idéal d’action pour défendre la cause qui lui tient à cœur : les femmes. En 2002, elle adhère au Club Soroptimist International de Kourou dont la dénomination signifie « le meilleur pour les femmes ». Devenue présidente du réseau, elle initie un colloque sur « l’eau, l’assainissement et le développement durable » dont la Société Guyanaise des Eaux est partenaire.
Le territoire lui doit aussi « Les classes d’eau en Guyane » qui permettent à de nombreux enfants de visiter des sites de la filiale. En 2013, elle ouvre une nouvelle brèche avec son équipe : leadership et entrepreneuriat au féminin. Son idée ? Lancer un concours « Entreprendre, accompagner, encourager au féminin » pour récompenser les femmes sans emploi qui créent leur entreprise. Succès inattendu. 14 candidates se présentent ! Décidée à toutes les récompenser, Valentine cherche le soutien de partenaires locaux. La Société Guyanaise des Eaux suit. L’initiative est repérée par la Fédération des Premières, un réseau d’incubateurs régionaux qui accompagne les femmes et les équipes mixtes dans la création et le développement de leurs entreprises innovantes.
Rencontre fructueuse à Paris. En novembre 2013, le réseau des « Pionnières de Guyane » est officiellement créé. Aujourd’hui, le concours Entreprendre distingue chaque année une centaine de projets. L’association compte plus de 400 adhérentes avec une cinquantaine d’entreprises créées sur le département. « Les Pionnières ont tracé le chemin, les Premières iront encore plus loin », conclut-elle.
Mayotte : Anissa Aboudou, le sens de l’intérêt général
Originaire de Mayotte et de Madagascar, la directrice de l’Environnement et de la Biodiversité de la Communauté de Communes de Petite Terre à Mayotte prend à cœur ses missions.
Parlez-nous de votre parcours…
J’avais 11 ans quand ma famille est revenue s’installer à Mayotte. Avec un BTS en communication des entreprises et un master II en marketing, je me voyais chef de produits dans un groupe de produits de grande consommation. La vie en a décidé autrement. Ma chance a été d’avoir fait mes études en alternance. J’ai travaillé dans la presse puis en agence de publicité et l’opportunité s’est présentée d’accompagner le déploiement du tri sélectif des déchets d’emballages ménagers sur Mayotte avec CITEO. Ce n’est pas un secteur qui m’intéressait particulièrement, mais j’ai eu envie de participer au développement de mon île. C’est ainsi que ma carrière a basculé vers l’intérêt général.
Aujourd’hui, à la Direction de l’environnement et de la biodiversité de la Communauté de Communes de Petite Terre à Mayotte, je mets en œuvre sur le territoire une stratégie globale de gestion des déchets ménagers et assimilés, de protection de la biodiversité, des milieux aquatiques et de prévention des inondations avec une équipe de deux agents et douze volontaires du Service Civique.
Qu’est-ce qui vous motive le plus dans votre fonction ?
L’utilité de mes missions pour la population. Ce poste a donné du sens à ma carrière professionnelle. Le service public est devenu une vocation dans un territoire confronté à tant de défis. Je me sens utile à la société en participant à mon niveau à l’amélioration du cadre de vie des habitants. Voilà ce qui me motive ! Je me suis formée sur le terrain sur les aspects techniques, mais je mesure combien mes compétences en communication et marketing me sont extrêmement utiles, notamment sur les actions de sensibilisation, de mobilisation sociale et les relations avec nos partenaires. On peut avoir le meilleur projet au monde, si on n’arrive pas le « vendre », c’est très compliqué de le déployer.
Avez-vous développé des liens avec d’autres territoires ultramarins ?
Au-delà de quelques échanges avec la Réunion, pas vraiment. Nous avons participé à des événements organisés par l’ADEME, mais il serait pertinent d’officialiser ces liens ou du moins de pérenniser ces rencontres pour partager nos problématiques, nos « best practices » et avancer ensemble. J’ai été très déçue qu’aux Assises Nationales des Déchets à Nantes, aucun territoire ultramarin n’ait été mis en avant, alors que nous sommes très actifs. Nous devons montrer que les outre-mer se développent et mènent des actions parfois novatrices, qui méritent d’être valorisées au niveau national.
Polynésie française : Annaïg le Guen : une femme de réseaux à la tête du CRIOBE
Auteure d’une thèse de physique sur la dynamique des fluides et des transferts, Annaïg Le Guen aime les fertilisations croisées entre les disciplines et les organismes de recherche. Elle dirige depuis décembre 2018 le Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE).
Vous avez passé une partie de votre enfance à Tahiti, par quel chemin y êtes-vous revenue ?
J’ai toujours suivi l’actualité de la Polynésie française. Ces dernières années, j’animais pour le CNRS un réseau national de Stations de recherche en écologie expérimentale et la Station du CRIOBE de Moorea y était active. L’existence de ce réseau a permis d’envisager ma candidature. Après des débuts dans l’industrie, j’ai intégré le CNRS pour monter une cellule de suivi des Programmes interdisciplinaires de recherche. Ensuite, je me suis tournée vers le pilotage des « Très Grandes Infrastructures de Recherche » d’abord au CNRS puis au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. C’est là que j’ai été sensibilisée aux moyens d’une recherche en réseau ouverte sur la communauté scientifique internationale.
En 2013, l’Institut Écologie et Environnement m’a proposé de travailler sur l’ouverture des infrastructures en Guyane où se trouve la Station de recherche des Nouragues. J’ai accepté et dirigé pendant cinq ans l’unité de Service et de Recherche CNRS Guyane que j’ai transformé en une unité mixte de collaboration entre le CNRS, l’université de Guyane et l’Ifremer.
Quelles sont vos priorités pour le CRIOBE ?
Continuer à enrichir les connaissances scientifiques sur les récifs coralliens dans un contexte de changement global. Ouvrir la station de recherche à d’autres communautés scientifiques que celles liées à l’étude des récifs coralliens afin de répondre aux enjeux de la recherche sur le changement climatique et de la valorisation des ressources. Ouvrir également nos installations à de jeunes entrepreneurs qui pourraient tester ici leurs concepts innovants via le consortium RESIPOL qui réunit les organismes de recherche et l’université de Polynésie française
Le CRIOBE a signé un partenariat avec la commune de Bora Bora et la Polynésienne des Eaux pour le projet BioDiv. Où en est ce projet ?
L’objectif de ce projet est de dresser un bilan exhaustif de l’état de santé du lagon de Bora-Bora et de définir les moyens de monitoring nécessaires au suivi sur le long terme et en continu. Cette étude « biodiversité du lagon – État 0 » doit se dérouler sur quatre ans.
En octobre dernier, nous avons présenté les résultats de l’étude menée sur 34 sites du lagon de Bora-Bora à la commune de Bora Bora, Ia Vai Ma Noa Bora Bora et la Polynésienne des Eaux. Ce projet s’intègre dans les objectifs de développement durable des Nations Unies pour lesquels la Polynésie française se mobilise : « L’océan est au fondement même de nos existences, et tout le monde doit s’impliquer dans sa protection. C’est avec cet objectif en tête que le Gouvernement fidjien a décidé de porter le Partenariat pour l’Océan au cœur de la COP23 afin d’impulser une nouvelle manière de concevoir la gestion et la gouvernance de l’océan. »
D’autres projets de ce type sont-ils initiés ?
Divers projets sont déjà lancés dans des communes de Polynésie et à d’autres niveaux. L’opération « Un œil sur le corail » permet ainsi à tout usager des lagons de Polynésie de partager ses observations sur le blanchissement des coraux, les maladies et les invasions de prédateurs. C’est un moyen de prioriser certains sites d’études et de monter des missions et des projets spécifiques.
Guadeloupe : Claudy Lombion, lauréate de la « GreenTech verte » avec TRI A KAZ
Depuis une dizaine d’année, Claudy Lombion accompagne les pouvoirs publics dans leurs stratégies de communication dans le domaine de la gestion de déchets. Les campagnes décalées de son agence DYLIS COMMUNICATION, ont souvent été primées. En 2016, elle fonde la start-up TRIAKAZ, pour fournir aux populations des territoires insulaires des outils leur permettant d’aller plus loin dans l’adoption des éco-gestes.
« Mon objectif est de faire des territoires insulaires d’outre-mer des territoires exemplaires en matière de tri sélectif. Nous sommes une chance pour l’Hexagone parce que nos îles, qui subissent de plein fouet l’impact du changement climatique, sont des régions résilientes. Nous avons beaucoup à apporter au territoire national en matière d’expérimentation, duplicable à plus grande échelle », explique-t-elle.
L’écosystème PHY-GITAL (PHYsique et diGITAL) de TRIAKAZ s’appuie sur une plateforme en ligne de produits éco-conçus, une « Boutique du tri » qui a bénéficié d’un « prêt de croissance territorial » de la région Guadeloupe, de la BPI France et d’un pôle de Recherche & Développement, le « TRILABO ». Avec son slogan « Be fun, Be green ! », Claudy LOMBION sensibilise les petits et les grands aux bons gestes du tri des déchets en faisant d’eux des « Héros du quotidien ». La start-up mobilise aussi les professionnels autour de l’écologie industrielle et territoriale, nouvelle donne économique. Pas à pas, un véritable green business model émerge.
Le 3 Mai 2019, TRIAKAZ devient la première start-up des outre-mer à obtenir le label « GreenTech Verte » décerné par le ministère de la Transition écologique et solidaire avec son GreenGame ludo-pédagogique, Beebeeworld. Le 12 Juillet 2019, TRIAKAZ est labellisée « collecte innovante » par l’éco-organisme, CITEO, le ministère de la Transition écologique et solidaire et l’ADEME.
Retrouvez ici les portraits de Louise Peltzer, Nathalie Infante et Coralie Lancry :
Journée internationale des droits des Femmes : Portraits de femmes d’Outre-mer (1/2)
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Auteur : J.-T