Confinement : Face à la pression, la Polynésie assouplit l’interdiction de la vente d’alcool
Le gouvernement de la Polynésie française a décidé de lever en partie l’interdiction de la vente d’alcool à emporter, en rigueur depuis le 23 mars, face à la pression d’un producteur local et d’associations de lutte contre les violences conjugales.
À partir de ce lundi 20 avril, l’alcool sera rouvert en Polynésie française, mais sous plusieurs conditions. Le client pourra passer « commande auprès des exploitants de débits de boissons uniquement par téléphone, par internet ou sur un site d’enlèvement de type « drive » (service au volant) spécialement mis en place à l’extérieur des locaux des exploitants précités, pour la vente de boissons d’alimentation ». Ce système de commande et de drive sera uniquement en rigueur dans l’archipel de la Société, comprenant Tahiti et Moorea.
En outre, la vente d’alcool sera limitée aux boissons affichant un taux de 2 à 14°, en d’autres termes, essentiellement les bières ou les vins. « La quantité de boissons d’alimentation par client et par commande est limitée à 10 litres pour les bières, 5 litres pour les autres boissons d’alimentation telles que les vins, les poirés, les cidres, … ». La réouverture est également autorisée uniquement quatre jours par semaine, du lundi au jeudi, de 8h à 16h, et donc, totalement fermée le weekend et les jours fériés.
Initialement, l’interdiction de la vente d’alcool avait été adoptée en Polynésie le 23 mars afin de mieux faire respecter le confinement, mis à mal lors de son premier weekend par les « bringues » constatées par les forces de l’ordre. Cette interdiction, prévue jusqu’au 5 avril, avait été rallongée « jusqu’à la fin du confinement », à la demande entre autres des maires qui constataient une certaine « paix sociale » dans les foyers.
« Une fausse bonne idée »
Toutefois, en début de semaine, plusieurs associations et organisations ont relevé une hausse des violences conjugales intrafamiliales motivées par le sentiment de manque. « La cessation de la vente d’alcool va entraîner chez certains buveurs dépendants des phénomènes de sevrage aigu, pouvant aller jusqu’au delirium tremens, dont les conséquences peuvent être plus sérieuses que le maintien de la consommation, même excessive », a déploré l’association Utuafare Mataeinaa. « Tous les buveurs dépendants ne sont pas violents et toutes les personnes violentes n’ont pas besoin d’alcool pour passer à l’acte », poursuit-elle, rappelant que le confinement empêche les victimes de dénoncer ces violences.
« Il y a plus de violences et cela est dû principalement à l’interdiction de l’alcool », constate de son côté la Directrice du centre d’accueil des femmes battues. « Les personnes dépendantes ne savent plus comment gérer leurs émotions, il suffit d’une petite chose pour que le feu puisse prendre », a-t-elle ajouté, assurant que les appels de détresse et demandes d’hébergement ont augmenté depuis le début du confinement et l’interdiction de la vente d’alcool en Polynésie.
Pour l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA), l’interdiction de l’alcool dans de telles circonstances est « une fausse bonne idée ». Un avocat du barreau de Papeete s’était dit prêt à saisir la justice face à cet interdit. « Cette mesure n’a pas de raison d’être, vu que l’on ne sait toujours pas quand prendra fin le confinement », expliquait Me Laurent Curt. Il avait, en début de semaine, adressé à la presse locale une lettre ouverte nommée « il est interdit d’interdire ».
Mais à la pression des associations de lutte contre les violences conjugales s’est ajoutée celle d’un important acteur de l’économie de la Collectivité : la Brasserie de Tahiti. Employant environ 1 300 salariés directs, ce principal producteur des boissons en Polynésie, parmi lesquelles la fameuse bière Hinano Tahiti, avait annoncé l’arrêt de sa production. La direction avait même évoqué un début de suspension de contrat à la fin mai.
Premier territoire français à avoir interdit la vente d’alcool à emporter durant cette crise sanitaire et surtout le confinement, la Polynésie a été rejoint plus tard par La Réunion, motivant cette interdiction par l’inquiétude des violences conjugales. Dans son allocution de lundi soir, le Président de la République avait appelé les élus à ne pas rajouter d’interdit au confinement.
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Auteur : J.-T